lundi 29 avril 2013

II) Présence médiatique de 2001: A Space Odyssey: multiplicité des références usant du détournement



             La présence médiatique de 2001: A Space Odyssey est principalement définie par de nombreuses références, au sein de différents médias. Même si elles détiennent des caractéristiques variées, elles se définissent par le détournement, et engendrent différents enjeux.

1) Diversité des références et éclatement de l’œuvre au sein de l'espace médiatique



          2001: A Space Odyssey engendre une multitude de références, qui caractérisent sa présence médiatique. Le film de Stanley Kubrick est une œuvre totale, qui allie aussi bien une dimension visuelle travaillée, une dimension sonore atypique, des thématiques universelles et des personnages remarquables; cette totalité n'est alors pas reprise au sein de l'espace médiatique. Effectivement, cette œuvre n'est pas transposée dans sa globalité, en tant qu'objet entier, mais elle est présente par le biais de références, souvent brèves, au sein de différentes créations médiatiques. Ainsi, ces nombreuses références qui caractérisent la présence de 2001: A Space Odyssey n'usent que de certains aspects, en les détachant de leur support d'origine, c'est à dire l'œuvre de Stanley Kubrick.
          Notamment, il peut s'agir de la reprise de l'atmosphère du film, qui devient alors une référence à part entière. 2001: A Space Odyssey met en scène une vision particulière de l'espace, qui allie l'esthétisme à une impression de grâce, notamment par l'idée du ballet aérien, thématique prépondérante du film. Ainsi, Les Simpson et WALL-E reprennent cette idée:



Dans le premier extrait de 2001: A Space Odyssey, un vaisseau est en train de se poser sur une station spatiale. La musique de Johann Strauss II, "Le Beau Danube bleu", qui réfère à une valse, ainsi que le tournoiement excessif et en musique de la station, permettent à la scène de s'apparenter à une danse: il s'agit d'une chorégraphie spatiale.
Cette idée est reprise au sein de l'extrait des Simpson, où le protagoniste, Homère, tournoie dans les airs, au rythme, lui aussi, du "Beau Danube bleu". De plus, le plan sur la chips qui tournoie avant d'être mangé par le protagoniste est une reprise de la scène de 2001: A Space Odyssey, à la différence que la chips est le vaisseau spatial, et Homère la station d'atterrissage.
Enfin, l'extrait de WALL-E est une référence un peu moins explicite à l'œuvre de Stanley Kubrick, mais se doit d'être mentionnée au sein de cette thématique. Effectivement, les deux personnages exécutent une véritable chorégraphie aérienne, en musique, et cela semble être une reprise de 2001: A Space Odyssey, d'autant plus que la création de Pixar est constituée majoritairement de références explicites et implicites au film.
Ainsi, ces trois extrait montrent que la perception de l'espace propre à l'œuvre de Stanley Kubrick, c'est à dire la mise en scène d'un esthétisme chorégraphié, devient un objet médiatique à part entière.
            Également, un personnage du film, au sein de la culture médiatique, a une vie indépendante de celle de 2001: A Space Odyssey. Il s'agit d’HAL 9000, ordinateur doté d'une intelligence artificielle qui est une source de référence primordiale, et qui acquiert le statut d'objet médiatique indépendant. Il est ainsi le protagoniste de ces trois extraits, tirés respectivement de l'œuvre de Stanley Kubrick, de WALL-E, mais également de la publicité pour Apple.




Dans l'extrait de 2001: A Space Odyssey, Dave, un des deux cosmonautes, discute avec HAL. Il y a une alternance de plans, montrant successivement l'œil rouge de l'ordinateur (donc ce que voit Dave), Dave de face (perçu pat HAL), et les deux personnages vus ensemble. Cette mise en scène permet de les mettre en exergue tous les deux lors de la discussion, et de leur donner autant d'importance à l'un et à l'autre. HAL est donc sur un même pied d'égalité que Dave. Egalement, ses propos engendrent un certain malaise: le fait qu'il demande à poser une question personnelle correspond à une subjectivité qui peut être difficilement associée à un ordinateur; de plus, il a des difficultés à formuler ses propos, ce qui est étonnant en rapport de son intelligence artificielle, qui ne devrait pas laisser de place à l'hésitation. Il est donc principalement défini comme un ordinateur au comportement humain, et c'est justement cela qui engendre le malaise que produit ce personnage.
Dans le deuxième extrait, celui de WALL-E, il en est de même. OTO  est un avatar de HAL, comme le montre son comportement et son œil rouge; de plus, il est défini de la même façon. Ses mouvements, lorsqu'il souhaite récupérer la plante, s'apparentent à des mouvements humains. Egalement, le fait qu'il puisse garder un secret et son revirement de situation à la fin de la scène dévoilent des caractéristiques subjectives propres à l'homme; elles sont alors présentées comme menaçantes, notamment par l'affrontement avec le commandant, et par la musique qui accentue ce malaise.
La publicité Apple, quant à elle, met en scène HAL dans un décor qui est celui de 2001: A Space Odyssey, en utilisant d'ailleurs le personnage de Dave, destinataire fictif de ses propos. Le comportement humain de HAL est mis en exergue par son ressenti qui ne devrait pas être exprimé par un ordinateur, notamment lorsqu'il affirme se sentir mieux. La particularité menaçante du personnage est exprimée quant à elle par le son et par le plan de face qui se rapproche progressivement du personnage: cela engendre un face à face menaçant entre l'ordinateur et le spectateur.
Ainsi, ces extraits démontrent que ces différentes représentations d’HAL ont comme caractéristique commune de mettre en lumière son comportement humain, qui devient source de malaise. Egalement, cela prouve que ce personnage est devenu un objet médiatique à part entière, car il détient une personnalité qui ne s'établit pas seulement au sein de 2001: A Space Odyssey, mais qui existe en dehors de l'œuvre de Stanley Kubrick.
            Une autre entité du film détient également une existence médiatique propre. Il semble ainsi important de souligner la présence récurrente d'une des partie du film, la première plus précisément, intitulée "The dawn of man". La découverte du monolithe par les singes, scène clef du début de l'œuvre, est utilisée régulièrement comme référence. Bien que cela ne soit pas présent au sein du corpus, sa présence importance au sein de la culture médiatique semble devoir être mentionnée. Ces extraits permettent de démontrer cette idée, en comparaison avec la scène du film de Stanley Kubrick.




Il s'agit d'un extrait d'un autre épisode des Simpson, "Lisa's Pony", diffusé pour la première fois sur la FOX le 7avril 1991, ainsi que la scène d'ouverture d'un jeu vidéo, Startopia, développé par Mucky Foot en 2001. Ces extraits montrent qu'en plus d'une atmosphère ou d'un personnage de l'oeuvre, des scènes peuvent également être détachés de 2001: A Space Odyssey et détenir une existence médiatique indépendante, en dehors de la globalité du film.
            Ainsi, la présence médiatique de 2001: A Space Odyssey se définit par une multitude de références qui ne rendent pas compte de l'unité globale du film, mais mettent en lumière certains éléments qui deviennent des entités médiatiques indépendantes. Ce qui permet l''unité artistique du film de Stanley Kubrick se dissout, et se sont seulement certaines caractéristiques de 2001: A Sspace Odyssey qui sont présentes au sein de la culture médiatique.

2) 2001: A Space Odyssey: une œuvre propice au détournement 


          2001: A Space Odyssey est une source inépuisable d'inspiration, engendrant de nombreuses références. Mais ce qui définit principalement cette référenciation constante est l'idée de détournement: effectivement, il ne s'agit pas d'aborder directement l'œuvre de Stanley Kubrick, mais plutôt de la contourner, souvent avec un ton parodique. 2001: A Space Odyssey semble donc être une œuvre propice au détournement. Cela s'explique notamment par les caractéristiques de cette œuvre: effectivement, il s'agit d'un film qui contient des aspects marquants, qui lui sont propres. Ils sont facilement identifiables, et peuvent donc être aisément détournés, voire parodiés. N'oublions pas que la référence, encore plus lorsqu'elle use du détournement parodique, ne peut fonctionner que si seulement l'objet qui est repris et détourné est facilement reconnaissable.
          Par exemple, comme ce qui a été dit précédemment, 2001: A Space Odyssey offre une vision particulière de l'espace, qui comprend des aspects visuels et sonores prononcés. Ces caractéristiques clairement reconnaissables peuvent alors être facilement détournées. Ainsi, ces deux extraits démontrent cet état de fait:





L'extrait de 2001: A Space Odyssey met en scène une hôtesse qui amène le repas à un des passagers. Geste anodin, il est ici sublimée par la musique, "Le Beau Danube bleu", et par la véritable chorégraphie qu'elle exécute. Le rythme est lent, et met en lumière la grâce de l'instant.
Dans le deuxième extrait, celui de WALL-E, les choses sont différentes. "Le Beau Danube Bleu", qui fait référence à cette même grâce de 2001: A Space Odyssey, contraste avec le prosaïsme du personnage. Il s'agit d'une parodie, qui joue sur l'inversion des codes de l'œuvre de Stanley Kubrick: la vision magnifiée de la vie spatiale est ici rattachée à un personnage qui ne correspond pas à cette même vision sublimée.
Ainsi, les caractéristiques prononcées de l'œuvre, et donc aisément reconnaissables, peuvent être facilement détournées, et dans ce cas précis parodiées. 
        Egalement, une des particularités clairement identifiable de 2001: A Space Odyssey est son ton parfois expérimental. Il n'est donc pas anodin si certains passages du film, qui détiennent cet aspect là, soient repris et parodiés. Effectivement, le cinéma expérimental relève souvent de codes qui lui sont propres, qui ne correspondent pas à des éléments communs. Ainsi, cela est propice au détournement, puisque ces passages expérimentaux sont clairement identifiables, car peu communs: de plus, cela permet de mettre en exergue le caractère abstrait, et parfois le non-sens du genre expérimental. Cela peut se démontrer à travers ces deux extraits:





2001: A Space Odyssey met en scène un nouveau-né, surement dans un fœtus, qui se dirige en direction de la terre, accompagné par la musique de Richard Strauss "Ainsi parlait Zarathoustra". Cette scène est fortement expérimentale, aux allures surréalistes.
Dans Les Simpson, le même plan est repris, ainsi que la musique; il n'y a que le personnage d'Homère qui diffère profondément. Il s'agit également d'une parodie, qui reprend le caractère expérimental et subjectif de l'œuvre de Stanley Kubrick. Ce détournement permet de vulgariser cette scène en la rendant accessible, et en mettant en exergue son caractère abstrait.
Ainsi, l'abstraction de 2001: A Space Odyssey engendre la référence détournée, et donc la parodie: clairement identifiable, elle est propice au détournement. 
          Enfin, il est possible d'évoquer le détournement régulier au sein de l'espace médiatique du personnage HAL 9000; personnage le plus charismatique de 2001: A Space Odyssey, sa place prépondérante au sein de la sphère médiatique et donc de l'imaginaire collectif engendre un détournement clairement identifiable, et donc d'une grande efficacité, comme le prouve son utilisation comme argument commercial.





Au sein de la publicité d'Apple, il existe un décalage entre le caractère menaçant d’HAL (c'est ce qui le définit principalement au sein de la sphère médiatique), et ce qu'il exprime. Effectivement, il vante les mérites d'une marque d'ordinateur, ce qui transforme ce personnage charismatique et inquiétant en simple commercial.
Cette utilisation d’HAL n'est alors pas anodine: référent de l'imaginaire collectif, ce personnage permet d'attirer l'attention car il est clairement identifiable; de plus, il est doté d'une grande intelligence, ce qui rend ses propos assez crédibles. En quelque sorte, c'est le summum de la technologie qui vend de la technologie. Ainsi, c'est principalement le charisme d’HAL et ses particularités hors-norme qui font de lui une entité propice au détournement, dans ce cas précis dans un but commercial. 
          Les références culturelles à 2001: A Space Odyssey usent majoritairement du détournement. Il s'agit alors d'utiliser l'œuvre comme référent, tout en la contournant. Cela révèle que cette œuvre ne puisse pas être reprise telle quelle, puisqu'elle se caractérise par sa singularité, son originalité et son hermétisme. La contourner devient un moyen de l'aborder mais avec distance, en provoquant parfois le rire, et justement de jouer avec son originalité. De plus, il ne faut pas oublier que la multiplicité des références à 2001: A Space Odyssey sont surtout révélatrices de sa place prépondérante au sein de la culture médiatique. Ces références qui utilisent le détournement mettent en lumière le caractère emblématique de l'œuvre, puisque certains de ses éléments font partie intégrante de l'imaginaire collectif.