lundi 29 avril 2013

III) 2001: A Space Odyssey: un objet médiatique propice à susciter un discours sur l'existence



          2001: a space odyssey est une véritable référence de la culture médiatique. Effectivement, comme ce qui a été précisé auparavant, ce film, par sa présence conséquente caractérisée par des références multiples, est une source d'inspiration inépuisable au sein de l'espace médiatique. Par ailleurs, son utilisation peut permettre à la création culturelle qui la référence de développer un propos d'ordre philosophique sur l'homme et sur son existence: l'œuvre de Stanley Kubrick s'avère être un objet propice à engendrer ce questionnement.

1) Les aspirations humaines au cœur de 2001: A Space Odyssey 




         La présence médiatique de 2001: A Space Odyssey, c'est à dire l'œuvre de Stanley Kubrick et ses références, révèlent les aspirations humaines, c'est à dire les désirs des hommes tournés vers un idéal existentiel. Cela n'est pas anodin, puisque l'œuvre de Stanley Kubrick elle-même développe explicitement ce propos: il s'agit alors d'un objet médiatique incontournable pour évoquer cette thématique.
         Effectivement, ce film met en scène les désirs existentiels de l'homme, avec notamment l'idée de progrès. Dans les années 60, l'homme rêve de maîtriser l'espace, cela se justifiant par la place primordiale accordée à la conquête spatiale. Ainsi, 2001: A Space Odyssey exprime cette volonté:



Cet extrait met en scène le Dr Floyd qui arrive dans une station spatiale. Ce passage met en valeur le caractère anodin, voire familier d'un tel voyage. Sa discussion avec l'hôtesse montre que c'est une action régulière, car il est déjà venu souvent; les mesures de sécurité sont présentées comme formelles, voire ennuyeuse, comme le justifie l'autre personnage qui regarde sa montre pendant que le Dr Floyd s'enregistre devant l'écran; de plus, la discussion banale qu'ils échangent démontre que c'est un lieu commun de rencontre. Cette scène met en lumière la conquête totale de l'espace par l'homme; ainsi, le progrès imaginé ici, qui est celui du voyage dans l'espace, s'apparente à l'idée de conquête.
Cette idée de progrès liée à celle de conquête est présente d'une autre façon au sein de 2001: a space odyssey, cette fois non plus seulement par le biais du fantasme de la conquête spatiale:




Cet extrait met en scène un groupe d'hommes-singes qui prennent possession d'un point d'eau par le biais d'armes. Le face à face entre les deux groupes est éloquent: celui qui est armé est débout, et avance progressivement, au fur et à mesure que l'autre recule, à quatre pattes. Cela peut être perçu comme une conquête progressive de la terre: auparavant, les hommes-singes, non armés, n'étaient pas dans la capacité d'accéder au point d'eau, c'est à dire à une denrée nécessaire pour la vie. Le fait qu'ils aient évolué en découvrant l'arme leur permet donc de conquérir leur propre terre et de s'imposer sur le territoire. De plus, le fait qu'ils s'en servent pour frapper les autres singes démontre l'idée d'une conquête virulente, élaborée avec force.
2001: A Space Odyssey, par ces thématiques universelles, met en scène un homme conquérant, tourné vers le progrès, qui, en maîtrisant d'abord sa propre terre, finit par maîtriser également l'espace. Ainsi, l'œuvre de Stanley Kubrick montre les aspirations humaines, c'est à dire la volonté de tourner son existence vers le progrès.
       Il n'est pas donc anodin si les créations médiatiques qui utilisent 2001: A Space Odyssey comme référence expriment un propos similaire. Bien que les aspirations ne soient pas forcément les mêmes, puisqu'il ne s'agit pas des mêmes époques, la thématique est commune: évoquer ce que souhaite l'homme pour son existence.
Ainsi, cette idée de progrès s'explicite également au sein de la publicité d'Apple. Effectivement, cette même publicité vante les mérites d'un ordinateur qui est dans la capacité de résister à un bug informatique. Cela montre l'importance pour l'homme d'accéder à une technologie de plus en plus perfectionnée, surtout à la fin du millénaire où les ordinateurs deviennent progressivement primordiaux. Cette publicité, en se servant de cette idée comme argument de vente, joue sur le désir humain de maîtriser l'informatique, et donc son aspiration à évoluer dans le domaine technologique.
Egalement, l'épisode des Simpson "Deep Space Homer" évoque à son tour les aspirations humaines, mais différemment. Le contexte politique et historique qui encadre cet épisode, c'est à dire les années 90, n'est plus le même que celui de 2001: A Space Odyssey. La société et le grand public n'accordent plus vraiment d'importance à la conquête spatiale, comme le démontre cet extrait:



Dans cet extrait des Simpson, l'accent est mis sur le désintérêt de la conquête spatial par le citoyen moyen. La réaction exagérée du protagoniste quant à la diffusion d'informations sur un lancement spatial est éloquente: Homère représente le téléspectateur lambda, comme le justifie son positionnement sur le canapé. Son désintérêt est alors représentatif de celui de la population en général. D'ailleurs, cela est précisé par le biais des personnages de la NASA, qui accordent de l'importance à ce même désintérêt du public. Ainsi, les aspirations humaines ne sont plus celles des années 60. Le fait que cette information soit évoquée au sein de cet épisode, qui contient de nombreuses références à 2001: A Space Odyssey, ne semble pas anodin. Cela permet de montrer l'évolution des aspirations existentielles de l'homme.
            Ainsi, les références à 2001: A Space Odyssey abordent, tout comme l'œuvre d'origine, les aspirations humaines, qu'elles soient ardemment désirées ou sur le déclin; l'œuvre de Stanley Kubrick devient un véritable outil médiatique permettant d'évoquer ces thématiques

2) Les limites de ces aspirations et l'existence humaine en péril




          2001: A Space Odyssey engendre un propos paradoxal: alors que les aspirations humaines sont mises en scène, leurs limites sont également évoquées. L'œuvre de Stanley Kubrick, pour les créations culturelles qui la choisissent comme référence, devient donc, de la même façon, un outil paradoxal: son utilisation permet aussi bien l'engendrement d'un propos sur les aspirations humaines que sur ses limites.
       Au sein de 2001: A Space Odyssey, l'idée de progrès conquérant développé dans le film n'est pas forcément concluante, et détient des aspects tragiques, puisqu'elle est associée à l'idée de meurtre. Effectivement, en évoquant l'extrait précédent des singes qui s'approprient le point d'eau par le biais d'une arme, il est possible de comprendre l'aspect négatif de cette conquête qui va permettre l'évolution des hommes. En quelque sorte, le premier progrès de l'humanité est lié à la violence et à la mort, puisqu'il est nécessaire de se battre pour obtenir des denrées vitales.
D'ailleurs, par la suite, les conséquences néfastes de cette course au progrès par l'homme se dévoilent. L'espèce humaine a créé un ordinateur qui le dépasse intellectuellement et qui est capable d'engendrer son extinction. Cela se démontre au sein de cet extrait de 2001: A Space Odyssey, HAL tue les astronautes cryogénisés en les débranchant:



                                                                                                  

Cette scène est particulière, puisqu'elle montre le meurtre d'hommes par un ordinateur, ce qui ne peut être montré explicitement. D'ailleurs la situation est d'autant plus singulière que les astronautes sont cryogénisés. Ainsi, ces meurtres se passent dans un silence profond (à part le bruit des émetteurs), sans aucun mouvement et sans aucune violence. Pour pourvoir être tout de même exprimés, ces assassinats sont mis en scène par le biais des messages qui informent de l'état de santé des hommrd. Également, le gros plan sur l'œil rouge d’HAL permet de faire le lien et de comprendre son implication. Ce qui est alors primordial dans cette scène, c'est la robotisation de la mort. Effectivement, tout semble se dérouler comme un simple bug informatique, alors que trois hommes sont en train de décéder, comme le démontre ce message: "Computer malfunction". De plus, la mort est annoncée par "Life functions terminated". Cette froideur informatique face à la mort met en exergue la place primordiale de la technologie au sein de la vie humaine, et qui n'hésite pas à transformer le décès en formalité informatique. Il faut tout de même préciser que cela va plus loin, puisque c'est l'ordinateur qui assassine les hommes. L'espèce humaine, en étant allé trop loin dans le progrès technologique, a donné vie à son meurtrier. 
Ainsi, 2001: A Space Odyssey, met en scène une vision pessimiste du progrès, associée à la mort; l'homme devient son propre ennemi et met en péril l'espèce humaine.
          L'œuvre de Stanley Kubrick devient donc un moyen privilégié d'évoquer les limites des aspirations des hommes, dans ce cas précis les limites du progrès.
Au sein de WALL-E de Disney Pixar,  les aspirations humaines semblent également déchues, puisqu'elles ont contribué au fait que l'évolution de l'espèce humaine ait mal tournée. En voulant améliorer son mode de vie, et donc  en consommant massivement,  l'homme a fini par polluer la planète à un point où elle n'est plus habitable. Ces deux extraits montrent en parallèle l'ouverture de 2001: A Space Odyssey et celle de WALL-E.





L'extrait de 2001: A Space Odyssey se situe au début de l'œuvre, et met en scène les premières images de la Terre. Il y a une succession de plan, majoritairement fixes, sauf celui qui est en plongée. Les tons orangés et l'absence d'être vivant ou de tout mouvement mettent en valeur le caractère désertique de la planète.
Dans WALL-E, cet extrait montre également la Terre pour la première fois dans le film. Il s'agit d'une scène plus dynamique, notamment par les différents mouvements de caméra et la musique entrainante. Pourtant, les plans aériens mettent en scène la même idée, celle d'une planète complètement désertique. Les tons sont similaires, et il n'y a aucun être vivant.
Malgré cela, les deux extraits expriment un propos quelque peu différent. Effectivement, pour 2001: A Space Odyssey, il s'agit de la Terre avant toute évolution de l'homme, c'est à dire dans son état primitif. Au sein de WALL-E, c'est également la Terre mais après le passage de l'homme, comme le démontre les différents détritus, stockés sous forme de gratte-ciel, et rappelant la ville de New-York, notamment par le biais du plan aérien qui survole ce qui semblait être une ville. Cela démontre alors un propos percutant: celui de la déchéance de l'homme après des aspirations démesurées, notamment le développement d'une société de consommation pour l'espèce humaine, qui a entrainé une pollution incontrôlable.
Il ne s'agit pas d'une référence directe à 2001: A Space Odyssey, mais plutôt d'une référence implicite. Ainsi, WALL-E, en choisissant de référencer directement l'œuvre de Stanley Kubrick lors de certains passages du film, fait également le choix de l'évoquer plus indirectement.
Cette similarité globale, qui dépasse le simple cadre de la référence directe, se perçoit également par le biais d'une autre limite aux aspirations humaines, et traitée de la même façon: celle du manque de communication engendrée par de trop grand progrès technologiques.





Le premier extrait, celui de 2001: A Space Odyssey, met en scène Dave et Franck au sein de leur vaisseau spatial. Il s'agit de leur première apparition ensemble. Alors que Franck est en train de manger, Dave le rejoint après avoir préparé son repas. Cette scène est éloquente puisque les deux personnages ne s'adressent pas la parole, et sont focalisés sur leurs écrans respectifs, où un reportage qui parlent d'eux est diffusé. Cela instaure un certain paradoxe, puisqu'ils semblent indifférents à leur passage télévisé. Installés parallèlement, ils ont le même comportement, tous deux coupants tous actes de communication. D'ailleurs, il est étonnant de voir que c'est uniquement dans le reportage que les deux astronautes communiquent, par une parole et un regard. Ce comportement commun, et qui semble donc anodin, démontre une certaine généralisation du manque de communication dû à une technologie exacerbée.
Cette idée est également présente au sein de WALL-E, comme le prouve la scène. Il s'agit de la première apparition de l'espèce humaine au sein du film, que nous découvrons avec le robot WALL-E. Les hommes communiquent, mais uniquement par le biais d'une technologie mobile, sans jamais s'observer. Le passage où les deux personnages, disposés parallèlement eux aussi, se parlent indirectement, peut faire référence à 2001: A Space Odyssey, et à Dave et Franck qui ne communiquent que par l'intermédiaire de la télévision. De plus, la multiplicité soudaine des humains, qui agissent tous de la même façon, démontre la généralisation d'une technologie qui empêche  les hommes de communiquer, et qui démontre que l'humanité est allée trop loin dans ses aspirations.
Cette idée d'une technologie trop exacerbée, et qui démontre les limites des aspirations humaines, est également présente au sein de la publicité d'Apple. La nécessité d'un ordinateur qui résiste au bug est présentée comme une obligation, et ne pas en avoir un est un danger en soi. Effectivement, le fait de choisir comme personnage HAL n'est pas anodin: n'oublions pas qu'il s'agit d'un ordinateur meurtrier, qui est un danger pour l'homme, son créateur. Il est présenté à travers 2001: A Space Odyssey comme un ennemi particulièrement dangereux. Au sein de cette publicité, il s'adresse à Dave, personne qu'il essaye de tuer au sein de l'œuvre de Stanley Kubrick: ses propos qu'il lui adresse peuvent alors s'apparenter à une menace. Cette publicité use ainsi de ce personnage menaçant, capable de tuer, pour convaincre le consommateur d'acheter: cet état de fait montre que la technologie prend le pas sur l'homme. Cette idée est renforcée par le fait que ce soit un ordinateur qui vante les mérites d'un autre ordinateur; cette publicité met en scène une certaine indépendance de la technologie, où l'homme n'a plus sa place, et demeure passif. Il n'est plus celui qui engendre le progrès technologique, mais celui qui le suit et en dépend, et qui semble dans l'obligation d'écouter les conseils d'un ordinateur. Cette publicité n'hésite donc pas, comme propos de vente, à argumenter sur l'incapacité de l'homme à contrôler sa propre technologie (comme le souligne le bug informatique). Les aspirations humaines liées au progrès comportent donc des limites, notamment celle de la prépondérance de la technologie sur l'homme.
          Ainsi, l'humanité semble dépassée par ses propres aspirations, comme le démontre l'œuvre de Stanley Kubrick, et son utilisation au sein de la sphère médiatique. Également, comme cela a été vu avec la comparaison entre WALL-E et 2001: A Space Odyssey, la création culturelle qui choisit de référencer l'œuvre de Stanley Kubrick détient une filiation avec elle en dehors des références directes. Effectivement, une création culturelle qui choisit d'utiliser l'œuvre de Stanley Kubrick comme référence développe un discours similaire dans son ensemble, cela expliquant alors le choix de 2001: A space Odyssey pour étayer son propos, puisqu'il est un objet propice pour cela. Et ce même discours porte d'une façon primordiale sur l'homme et son évolution.